Certains anciens objectifs restent valables voire très intéressants et tirent leur épingle du jeu sur les boitiers numériques actuels. Ce qui est parfois méconnu, c’est le fait que les optiques contribuent à la qualité finale de l’image en photographie et peuvent constituer un choix réfléchit dans la conception de sa propre écriture photographique. Aussi il est important d’en connaitre quelques uns, de plus certains sont peu onéreux quoique qu’il y ait une tendance à l’inflation par la divulgation de ce qu’il est possible d’en faire. Plus un objectif a une grande ouverture, plus il est difficile à fabriquer, plus il est imposant et lourd et plus l’homogénéité de qualité d’image (netteté, contraste…) sur l’ensemble est compliquée à obtenir. Le rendu du flou des arrières plans peut être plus ou moins brutal, doux, progressif, crémeux. C’est ce qui est recherché selon les goûts. C’est pourquoi il est intéressant de faire des essais pour connaitre ce qu’il convient. Les objectifs ont aussi un impact sur la colorimétrie, c’est subtil mais cela compte. Le bémol c’est que ces anciens objectifs ne sont pas simples à utiliser, ils peuvent avoir subit des chocs, le verre peut être altéré. Ils sont intéressants à condition qu’ils soient vendus à un tarif acceptable et sont destinés à un public particulier de passionnés. Attention ce n’est pas une panacée, avec les appareils à télémètre et une bague d’adaptation, on ne peut pas faire la mise au point dans le viseur, il faut utiliser la zone de profondeur de champs.
Je viens apporter des nuances sur cet espace consacré aux objectifs anciens. Certains en ayant une lecture rapide pourraient penser qu’ils sont aussi facile d’utilisation que des optiques récentes avec de l’électronique et l’autofocus, ce n’est pas le cas. De plus avec une grande expérience de la pratique de la photographique, avec n’importe quel matériel et un logiciel de traitement, il y a la possibilité de sortir une image acceptable. Aussi cet article n’a pas pour vocation de faire monter les prix de l’occasion en confondant aubaine et utilisateurs de niche.
Quelques éléments généraux après avoir lu beaucoup de tests. Les optiques, même celles des années 50 dont les optiques de l’ex URSS, à partir des ouvertures f/5,6 ou f/8 peuvent être qualifiées de bonnes, certaines très bonnes et d’autres encore plus bonnes avec d’excellentes performances, à partir de ces diaphragmes. Aussi par exemple un objectif dont l’ouverture nominale est de f/1,4 sera utilisé majoritairement à cette même ouverture nominale et jusqu’à f/4 pour justifier son achat quand on recherche un rendu particulier. Il s’avère inutile d’acheter une optique dont l’ouverture nominale est grande et dont on n’a pas le besoin spécifique, pour l’utiliser à des valeurs comme f/5,6 ou f/8 ou encore f/11 ! A l’inverse, une optique dont l’ouverture nominale est à f/3,5 ou f/4 il sera judicieux de l’utiliser plutôt autour d’une valeur comme f/8 pour obtenir le meilleur contraste et netteté (quand c’est ça qui est recherché). Les optiques des années 1950 présentent toutes du vignettage à leur ouverture nominale (assombrissement des bords des photos). C’est très fréquent aussi sur des objectifs à grandes ouvertures plus récentes. Le très fort caractère de certaines optiques anciennes fait qu’il vaut mieux les choisir en fonction du sujet photographié et du rendu souhaité, plutôt que pour leurs performances pures. Les optiques récentes sont en général très contrastées et orienté netteté -piqué.
Le Super-Takumar 55 f1,8 – Asahi Pentax
Test et avis sur le Super-Takumar 55 mm f1.8 qui est un classique réputé pour être dans les meilleurs objectifs « vintage ». Il a été fabriqué au Japon entre 1958 et 1975 . Ils sont peu coûteux, solidement construits, beaux et offrent une qualité d’image avec un rendu de caractère. L’intérêt d’utiliser des anciens objectifs pourrait rappeler pourquoi on est tombé amoureux de la photographie en premier lieu en recherchant de la spécificité dans les images et pas uniquement de la super netteté. Cela permet de recycler et d’utiliser encore ces optiques à mise au point manuelle avec des bagues d’adaptation, en profitant de leur qualité et particularité sans dépenser beaucoup d’argent. On s’inscrit dans une démarche de photographier en mode lent (slow photography) qui procure une expérience photographique spécifique.
Cet objectif 55 mm à vis existait en plusieurs versions avec toutes le même schéma optique. A partir de la version 1965, au moins un des éléments vitrés est en verre légèrement radioactif qui jaunit avec le temps (Thorium, une terre rare). En cas de jaunissement une exposition longue au soleil devrait le faire disparaitre. Alors que le diagramme optique est resté inchangé, des ajustements à l’optique (courbure de surface, distance entre les éléments) ne peuvent pas être exclus lorsque Pentax a changé de type de verre, aussi il pourrait exister des disparités selon la date de fabrication des modèles.
Exemple de photos traitées
Quelques exemples pour voir ce qu’il est possible de faire avec cet objectif et se rendre compte du rendu après un post-traitement avec Capture One pro (boitier Fuji XT2). Le traitement relève d’un choix personnel, les photos brutes de capteur suivent.
A f1,8 pour se rendre compte du rendu de l’arrière plan. Le flou arrive très vite dès l’éloignement du centre.
Extrait (crop)
à f1,8 paysage agricole – net au centre, bords flous. Peut être utile pour un sujet au centre, moins pour un sujet sur la ligne des tiers. Il est important de connaitre son optique avant de réaliser un reportage.
Jeu de lignes et de contraste à l’heure dorée. La lumière met l’accent sur l’arbre au milieu des terres marécageuses.
Exemple de flare avec le soleil déclinant, de face. On peut utiliser ces halos.
Un recadrage pour montrer le type de bokeh à pleine ouverture, en semi contre jour.
Les photos brutes
Pour l’anecdote, dans cette gamme des 50mm, il y a les f1,4 Super-Takumar 50, certains avec du Thorium d’autres apparemment sans. 3 modèles : de 1965 à 1971 : le Super-Takumar à 7 lentilles en 6 groupes avec diaphragme à 6 lames pour 230 g. de 1971 à 1972 : le super-multi-coated Takumar à 7 lentilles en 6 groupes avec diaphragme à 8 lames pour 250 g, de 1972 à 1975 : le smc Takumar à 7 lentilles en 6 groupes avec diaphragme à 8 lames pour 252 g, avec un rendu différent concernant le bokeh, la caractérisation des flous d’arrière plan et des prix d’achat du 8 lames qui s’envolent. Sur ce dernier Pentax en a peu produit à cause d’un prix de revient très élevé et au final des ventes à perte…
C’est amusant ces anciennes optiques, à une époque elles étaient ignorées. Par exemple maintenant la sous marque Auto-Revuenon équipait les appareils photos proposés par un magasin de vente sur catalogue (le catalogue Quelle), le 55 mm f1,4 est redécouvert pour sa qualité du rendu des arrières plans. Le fabricant serait Cosina (verres Tomioka).
Leica Leitz Wetzlar Summaron 35mm f3.5
Le Leitz Summaron 35 mm f3.5 est un objectif minuscule d’une très belle fabrication. Il a été introduit en 1945 et fabriqué à la fois pour les appareils photo Leica à monture à vis et les appareils photo Leica M. Il a été fabriqué jusque dans les années 1960 et plus de 100 000 unités ont été produites. Il s’agit d’une optique très intrigante qui convient très bien à la photographie noir et blanc et artistique. Il combine de nombreux aspects tels qu’un peu de vignettage, beaucoup de douceur avec du détail et des micro-contraste au centre utiles pour créer des images uniques.
On peut l’aimer et ne pas l’aimer à la fois. Les photos produites avec le Summaron sont plutôt spécifiques. Elles sont assez nettes au centre mais assez douces globalement. Certaines personnes vont adorer les résultats, ceux qui apprécient les objectifs typés qui souhaitent capturer des ambiances. Un photographe expérimenté trouvera avec lui du potentiel. Il y a des imperfections que l’on peut utiliser. Le Summaron vient d’une époque où la photographie en noir et blanc était encore le principal type de photographies, ce qui lui convient très bien grâce à la qualité des détails et de la gamme de gris. Tous ses « défauts » sont réunis pour créer des photos spéciales au rendu ancien. Ce n’est certainement pas le meilleur objectif 35 mm de Leica, les autres objectifs sont beaucoup plus nets et la plupart des gens diraient « mieux ». Il est totalement subjectif d’évaluer un objectif. Les gens ont des goûts différents. La beauté des lentilles réside dans le fait qu’il existe tellement de types que chacun peut trouver celui qui correspond à son style personnel. Si on recherche un look moderne et avec beaucoup du piqué, il n’est pas adapté. Le vignettage et la chute dans les coins sont perceptibles. Il est sensible au halo avec une source de lumière directe ou des lumières venant des côtés. On peut éviter cela en utilisant un pare-soleil. Dans l’ensemble, la netteté est bonne mais pas époustouflante. Les couleurs plutôt douces, pastelles, pas éclatantes. Il vient d’une autre époque, le revêtement et les éléments en verre ne sont pas au même niveau que les objectifs récents. Ainsi, il n’est pas l’objectif le plus facile à utiliser. D’une manière générale il faut une certaine expérience avec les anciens objectifs. Distance minimale de mise au point : 1 mètre, fabriqué en Allemagne, ouverture : 3,5 – f 22, 6 éléments en 4 groupes, 10 lames, monture à vis M39, poids : 200 g. Les 1ères versions vont jusqu’au numéro 1 423 140. Les résultats peuvent varier fortement selon l’état des lentilles. Certaines ont subit les outrages du temps et peuvent avoir un voile ce qui va changer l’avis sur cette optique. Sur celle en notre possession le rendu est très bon mais l’objectif est à faire réparer car il y a un problème avec la mise au point qui se décroche du télémètre pour les vues rapprochées. Ce sont les aléas avec les objectifs anciens qui peuvent avoir besoin d’une réparation.
- Avantages
- Qualité générale de construction
- Taille poids (il est minuscule)
- Objectif artistique avec un rendu doux
- Net mais pas hyper piqué
- Objectif de « caractère »
- Très bon pour la photographie en noir et blanc
- Très bon avec du contraste à f8
- Défauts
- Sensible au halo, au voile
- Mou sur les bords à f3,5
- A besoin d’un post-traitement logiciel pour exploiter son potentiel
Par temps ensoleillé, le résultat est probant, ici monté sur un Leica M8 à f3,5 et sans traitement.
Crop sans traitement et le même en augmentant le contraste et en baissant un peu les hautes lumières
Cet objectif craint les contre-jour qui donne un voile. Il est net au centre à f 3,5 et plus flou sur les bords. Avec un traitement sur capture one pro il donne des résultats très intéressant typés que l’on nomme avec du « caractère », réalisé avec Leica M typ 240.
Recadrage au centre (photo traitée).
Voile avec soleil de face mais se rattrape très bien
Pingback: Les astuces de Pratique - Pratique.photo