Pourquoi se mettre ou remettre à la photographie argentique aujourd’hui ?
La photographie argentique fait son grand retour dans un monde saturé par le numérique. Alors que les smartphones et les appareils numériques nous permettent de réaliser des milliers d’images instantanément, l’argentique nous invite à ralentir, à réfléchir et à renouer avec une pratique potentiellement plus authentique, artisanale et artistique de la photographie.
Réapprendre à réfléchir, à penser, avant de déclencher
L’une des différences majeures entre la photographie argentique et numérique est le coût par photo. Avec un appareil argentique, chaque photo a un coût assez élevé avec le film, le développement, les tirages et éventuellement le scannage. Cette contrainte financière pousse naturellement le photographe à réfléchir plus avant d’appuyer sur le déclencheur.
- En numérique : Il est facile de prendre 1000 photos en une journée, de les stocker sur un disque dur, puis de ne pas les revoir très souvent et même de les oublier.
- En argentique : Chaque déclenchement devient une décision mûrement réfléchie. Le photographe s’attache à la bonne lumière, au bon cadrage et attend le moment idéal. Cette pratique développe la patience, la précision et la capacité à observer et à passer en mode lent.
Conseil : Avant de déclencher, se poser trois questions : Pourquoi cette photo ? Que vais-je en faire ? Qu’est-ce qui rend ce moment unique ?
Donner une seconde vie aux anciens appareils photos familiaux
De nombreux appareils argentiques dorment dans les greniers, les armoires ou les tiroirs. Ces boîtiers, souvent de grande qualité, n’attendent qu’une chose : être remis en service.
- Un héritage familial : Ces appareils ont souvent une histoire. Utiliser le boîtier de son grand-père ou de ses parents donne une dimension émotionnelle à la pratique photographique.
- Une mécanique fiable : Contrairement aux appareils numériques, les boîtiers argentiques sont souvent entièrement mécaniques et très robustes. Ils peuvent fonctionner pendant des décennies sans panne majeure.
Conseil : Sortir ces appareils oubliés, les nettoyer, les tester pour leur redonner vie. On peut être surpris par la qualité matérielle des photos qu’ils peuvent produire.
Adopter une autre vision de la photographie
La photographie argentique offre une esthétique particulière qui diffère du numérique. Chaque film a sa propre personnalité, avec des rendus de couleurs, de contrastes et de grains spécifiques.
- Le grain : Le grain de l’argentique apporte une texture organique aux images, loin de la perfection clinique du numérique.
- Les couleurs : Les films argentiques produisent des tons et des nuances difficiles à reproduire numériquement à l’identique sans retouche.
- L’imprévu : Les aléas de la prise de vue, les imperfections du développement ou les accidents créatifs apportent une touche d’authenticité et du caractère qui renforce un côté unique.
Conseil : Tester différents types de films pour trouver celui qui correspond à son propre style photographique ou au look souhaité selon les sujets et l’inspiration du moment.
Apprendre la patience et le plaisir de l’attente
Avec le numérique, on peut voir le résultat instantanément. En argentique, il faut attendre.
- Le développement : Il peut s’écouler plusieurs jours entre la prise de vue et la découverte des images, voire plus si on développe soi-même ses pellicules. Astuce : par souci de budget, il est possible d’étaler le développement sur plusieurs mois si on a utilisé un nombre important de films lors d’un voyage par exemple.
- La surprise : Cette attente crée une excitation unique. Redécouvrir des photos faites il y a plusieurs semaines ou mois est une expérience particulière.
Conseil : Noter dans un carnet pour documenter ses prises de vue. Ainsi, lorsque l’on récupère les négatifs, on peut se replonger dans ses intentions initiales.
Ralentir la frénésie du déclenchement
La photographie numérique a engendré une frénésie de déclenchement. En argentique, cette impulsivité est freinée par la limitation du nombre de poses sur une pellicule (généralement 24 ou 36) et par les coûts d’usage.
- Faire moins de photos, mais de meilleure qualité : Avec l’argentique, on privilégie la qualité à la quantité.
- Une pratique méditative : Chaque étape de la photographie argentique, de la préparation de l’appareil au développement, devient un rituel qui invite à la contemplation.
Conseil : Prendre le temps d’observer le sujet, d’analyser la lumière et de composer précisément avant de déclencher.
Se reconnecter à un artisanat et à une tradition photographique
La photographie argentique fait partie de l’histoire de cet art. Se remettre à cette pratique, c’est renouer avec un savoir-faire traditionnel.
- Maîtriser le processus : Développer ses propres pellicules et réaliser ses tirages en chambre noire permet de contrôler chaque étape de la création d’une photo.
- S’inspirer des maîtres : La majorité des grands photographes du XXe siècle ont travaillé en argentique. Étudier leur travail et reproduire leurs techniques est une source d’inspiration inépuisable.
Conseil : Se plonger dans les ouvrages de photographes comme Ansel Adams, Henri Cartier-Bresson ou Diane Arbus pour mieux comprendre la richesse de l’argentique.
Réaliser des tirages physiques, varier ses réalisations tout en recyclant du matériel
La photographie numérique pousse à l’accumulation de fichiers, parfois jamais exploités. L’argentique remet à sa place l’importance de l’acte photographique dans une démarche plus intentionnelle et réfléchie, en variant les plaisirs de la réalisation, en ouvrant vers l’histoire de la photographie, tout en recyclant du matériel existant délaissé.
- Moins de déchets électroniques : Les appareils argentiques ont une durée de vie bien supérieure aux numériques.
- Des tirages physiques : En argentique, on tend naturellement à imprimer ses images, ce qui leur donne une existence tangible et durable.
Conseil : Faire des agrandissements, des tirages de ses photos argentiques les plus réussies pour retrouver le plaisir de la matérialité de la photographie.
Gérer l’impact environnemental des produits chimiques
Le développement argentique utilise des produits chimiques qui peuvent avoir un impact environnemental. Cependant, cet impact peut être réduit par des pratiques responsables.
- Produits chimiques : Les révélateurs, bains d’arrêt et fixateurs contiennent des substances potentiellement polluantes. Cependant, il existe aujourd’hui des alternatives moins nocives et des produits biodégradables.
- Traitement des déchets : Les laboratoires de développement professionnels suivent des protocoles stricts pour le traitement des déchets chimiques. Si l’on développe chez soi, il est important de ne pas jeter les produits chimiques dans les égouts. Des centres de collecte existent pour leur recyclage.
- Quantité limitée : La photographie argentique étant une pratique plus lente et réfléchie, la quantité de produits utilisés est limitée par rapport à l’impact environnemental de la fabrication et de l’obsolescence rapide des appareils numériques.
Conseil : Si l’on développe soi-même, se renseigner sur les méthodes de réduction des déchets et choisir des produits respectueux de l’environnement.
L’alternative numérique avec un rendu argentique
Pour ceux qui souhaitent retrouver l’esthétique de la photographie argentique tout en utilisant du matériel numérique, il est tout à fait possible d’opter pour des appareils numériques capables de produire un rendu proche de l’argentique, couplé à un travail de post-traitement. Il s’agit essentiellement de la gamme des premiers appareils photos numériques, qui pour convaincre les photographes professionnels de passer au numérique ce qui engendrait des investissements importants, ont proposé des boitiers qui s’inspiraient en terme de rendu aux films argentiques. A savoir aussi que les optiques montées sur les boitiers ont un rôle important aussi, certains donnent un rendu plus doux, moins sec et tranchant que d’autres. En fait on ne recherche pas un rendu le plus net possible mais ce qui est appelé du caractère. Les outils choisis participent à un style et à une signature en plus de l’empreinte personnelle que le photographe met dans ses réalisations. Ce domaine de passionnés est un vaste sujet qui peut déclencher pas mal de débats.
- Les appareils recommandés : Certains appareils numériques sont particulièrement appréciés pour leur rendu organique et leur capacité à imiter potentiellement les caractéristiques de l’argentique.
- Canon 5D (Mark I et II) : Apprécié pour ses tons naturels et son grain numérique subtil.
- Canon 1Ds : Réputé pour son rendu des couleurs proche de celui des films argentiques.
- Fuji S5 Pro : Offre une dynamique exceptionnelle et une palette de couleurs qui rappelle les pellicules Fujifilm.
- Leica M8 / M9 : Ces appareils télémétriques numériques offrent une esthétique unique avec un rendu proche des films Kodak.
- Le post-traitement pour un rendu argentique :
- Courbes de tonalité : Ajuster les courbes pour obtenir un contraste plus doux et une légère atténuation des noirs.
- Ajout de grain : Appliquer un grain subtil pour donner une texture organique à ses photos.
- Couleurs : Ajuster la saturation des rouges, des jaunes et des bleus pour reproduire les tons typiques des pellicules.
- Vignetage : Ajouter un léger vignetage pour concentrer l’attention sur le sujet.
- Effet de flou : Ajouter un très léger flou sur les bords pour simuler les objectifs vintage.
Conseil : Utiliser des presets ou des LUT (Look-Up Tables) inspirés des films argentiques comme Kodak Portra, Fuji Velvia, Kodak Tri X ou Ilford HP5, pour obtenir un rendu encore plus spécifique.
L’alliance des deux techniques
Allier la photographie argentique traditionnelle à la numérisation et au post-traitement numérique offre une combinaison riche en avantages, tout en soulevant la question de la préservation des caractéristiques intrinsèques des pellicules.
Avantages de la combinaison argentique et numérique :
- Flexibilité du post-traitement : La numérisation des négatifs permet d’utiliser des logiciels de post-traitement pour ajuster l’exposition, le contraste, les couleurs, offrant une flexibilité similaire à la photographie numérique.
- Archivage et partage facilités : Les images numérisées sont facilement stockées, partagées en ligne ou imprimées, combinant le charme de l’argentique avec la commodité du numérique.
- Expérimentation créative : Le post-traitement numérique permet d’explorer des rendus artistiques tout en conservant la base esthétique spécifique et choisie fournie par la pellicule.
Préservation des spécificités des pellicules :
Chaque pellicule possède des caractéristiques uniques en termes de grain, de contraste et de rendu des couleurs qui peuvent même varier selon le processus de fabrication et la conservation des films (utilisation de pellicules maturées ou dites périmées). La numérisation et le post-traitement peuvent altérer ces spécificités si les ajustements sont trop poussés. Cependant, avec une approche délicate, il est possible de préserver, voire d’accentuer, ces particularités.
Avantages de cette approche hybride :
- Optimisation du rendu : Le post-traitement peut renforcer les caractéristiques spécifiques des pellicules, comme le grain ou les teintes particulières, tout en corrigeant des imperfections.
- Contrôle accru : Cette méthode offre un contrôle supplémentaire sur le rendu final, permettant d’adapter la photo à des préférences esthétiques précises renforçant son intervention personnelle dans l’esthétique finale.
Choix de la pellicule en fonction du rendu souhaité :
Sélectionner une pellicule en fonction de son rendu spécifique , par exemple, un contraste élevé et des rouges puissants, permet de gagner du temps en post-traitement. Même après numérisation, la photo conservera les caractéristiques de base de la pellicule choisie, offrant un look distinctif difficile à reproduire exactement et de manière similaire avec un appareil numérique moderne.
Combiner la photographie argentique avec la numérisation et le post-traitement numérique permet de bénéficier des avantages des deux mondes. Cette approche offre une flexibilité et un contrôle accrus, tout en préservant les caractéristiques uniques des pellicules, à condition que le post-traitement soit réalisé avec soin et délicatesse afin de ne pas perdre l’essence de la pellicule argentique spécifique avec un post-traitement trop appuyé.
Ainsi, se remettre à la photographie argentique cumule plusieurs avantages. C’est choisir une approche plus lente, plus réfléchie de la photographie. C’est redécouvrir le plaisir de créer des images avec intention et émotion Cela permet de ressortir des vieux boîtiers, les charger avec une pellicule pour partir à la rencontre d’une pratique photographique différente, authentique, riche de sens tout en offrant la possibilité d’intégrer cette pratique dans son flux de réalisation de photographies numériques.
Guide des pellicules photos (films argentiques) : ici