C’est une thématique en Photographie à ne pas négliger car elle est très formatrice. En éliminant la pluralité des couleurs, on en vient à se concentrer sur les nuances de gris, de blanc, de noir, sur les formes et quelque part l’essentiel. Il y aurait beaucoup à écrire à ce sujet. Au niveau du post-traitement c’est une mine pour comprendre sur quoi agir, en enlevant l’élément rendu de la couleur. Venant à l’origine d’une formation en argentique, ce que l’on recherchait généralement, c’est d’obtenir le plus de nuances possibles dans la gamme des gris, en gardant des blancs blanc (et non grisâtres) et des noirs avec du détail et pas une masse sombre.
En argentique on choisissait la marque de la pellicule, la façon de la développer car il existe des chimies différentes et au tirage le type de papier (le baryté donne le plus de nuances), l’utilisation de filtres de contraste, le masquage pour exposer plus ou moins de lumière sur le papier au grain d’argent. En numérique le post-traitement offre les mêmes possibilités. Ce doit être toujours un choix, en fonction de ce que l’on souhaite donner comme résultat. D’innombrables variations sont possibles. La Photographie c’est du subtil. Sur des écrans le rendu va dépendre de l’écran. Les choix se fabriquent en fonction de ses propres goûts, de la culture photographique, du temps et du travail que l’on est prêt à y consacrer.
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Le noir et blanc permet d’évacuer des éléments perturbants pour rester dans une dimension abstraite et imaginaire ancrée dans l’Histoire de la Photographie. Il est possible de dire que le noir et blanc peut être plus interprétatif que la photographie en couleurs avec un aspect intemporel.
Le noir et blanc pour transcender le réel et mettre l’accent sur l’essentiel
En supprimant les « distractions » de la couleur, le noir et blanc recentre l’attention sur les formes, les textures, les lignes et les contrastes. Cela pousse le spectateur à interpréter l’image d’une manière plus subjective. Il transforme une scène réaliste en une abstraction visuelle où les émotions, les symboles et les significations prennent une place dominante. Par exemple, une photographie en noir et blanc d’un visage mettra davantage en avant les expressions et les ombres, soulignant les émotions brutes.
Une esthétique plus intemporelle
Le noir et blanc évoque souvent les débuts de la photographie, ce qui lui confère une qualité classique et intemporelle. Il élimine les indices temporels liés aux palettes de couleurs spécifiques à une époque, comme les tons saturés des années 70 ou les teintes pastel des années 90. Cela permet à une photo en noir et blanc de rester pertinente et esthétique en elle-même, indépendamment de l’époque où elle a été capturée ou observée.
Un langage visuel
Les couleurs ont des significations culturelles différentes : le rouge symbolise le danger dans certaines cultures, mais l’amour ou la prospérité dans d’autres. Le noir et blanc, en revanche, offre une lecture plus universelle, facilitant une connexion émotionnelle au-delà des frontières culturelles. Le noir et blanc met l’accent sur les contrastes clairs-obscurs, rappelant les gravures, les dessins ou les ombres naturelles, des formes artistiques universellement compréhensibles. En noir et blanc, chaque élément visuel devient plus significatif, permettant une narration plus directe, plus introspective. Les photographes l’utilisent pour intensifier l’émotion ou la dramaturgie dans un reportage, un portrait ou une scène de rue. Par exemple, les œuvres d’Henri Cartier-Bresson ou de Sebastião Salgado en noir et blanc montrent des histoires humaines avec une profondeur qui dépasse les limites de la couleur.
Un défi artistique stimulant
Photographier en noir et blanc demande une réflexion plus poussée sur la lumière et la composition. Le photographe doit anticiper comment les différentes tonalités se traduiront en nuances de gris. Cette contrainte technique pousse à une créativité plus grande, souvent associée à des œuvres artistiques plus marquantes.
Une photographie plus introspective et suggestive
La couleur peut parfois détourner l’attention en imposant une certaine réalité au spectateur. Le noir et blanc, au contraire, invite à réfléchir et à ressentir. Il suggère plutôt qu’il n’impose. Une scène considérée comme banale en couleur peut devenir poignante en noir et blanc, car elle semble raconter une autre histoire, plus mystérieuse ou plus évocatrice. Une photographie de paysage urbain sous la pluie en couleur, l’attention pourrait être attirée par les parapluies colorés ou les enseignes lumineuses. En noir et blanc, ce sont les reflets dans les flaques, les textures des pavés et les ombres des passants, les contrastes qui dominent, évoquant une ambiance spéciale, mélancolique ou nostalgique.
Ainsi le noir et blanc n’est pas simplement une absence de couleur, c’est un langage photographique à part entière. Il magnifie les formes, transcende les époques et invite le spectateur à plus interpréter ce qu’il voit.
Etude de cas
Quelques explications sur un cas concret d’une photo de reportage où l’on n’a pas la maîtrise d’un éclairage complexe avec ici un mélange de sources lumineuse dans un marché semi couvert. Ce que l’on maîtrise sur le moment c’est le choix du cadrage, de l’instant, des formes et des expressions. Le but est de rendre l’ambiance, un but documentaire sur le travail physique demandé. Mon attention s’est polarisée sur le jeune homme qui transporte les sacs, sur son visage tout en montrant le contexte. L’homme qui a surgit à gauche voulait passer malgré l’encombrement. Le choix a été de saisir ce moment sans plus interférer.
Cette photo est-elle mieux en Noir et Blanc ou en couleur ? que veut dire mieux ?
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Et de nouveau en couleur avec un post-traitement sur les couleurs avec un ton général plus froid pour attirer le regard vers le visage du jeune homme à la tonalité plus chaude. Ceci afin d’illustrer comment on peut agir sur les couleurs. En N et B on élimine cet aspect. C’est une approche différente. Le N et B enlève des éléments d’intervention sur l’interprétation que l’on souhaite donner.
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Quand photographier en Noir et Blanc ?
Quand on souhaite mettre en valeur les expressions d’un visage par exemple lorsque la lumière frappe plus le visage et que le décor autour est plus sombre. Quand on ne travaille pas la couleur. Il y a des photos qui tiennent uniquement grâce aux couleurs, à leurs associations. Ce peut être aussi par goût personnel. Il se dit qu’une photo en Noir et Blanc se conçoit dès la prise de vues. C’est une autre approche basée sur les formes, le graphisme, quand on veut diriger le regard et aller à l’essentiel.
Exemple d’une photo dès le départ basée sur les couleurs et qui passe moins bien en Noir et Blanc :
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Des appareils photos dédiés au Noir et Blanc
Il existe quelques boitiers numériques (Leica et Pentax) spécifiques uniquement avec un capteur dédié qui a supprimé les pixels colorés ce qui donne ainsi plus de détails, de nuances de gris, tout en permettant de monter plus dans les isos par rapport à un capteur équivalent. Les différences sont subtiles/une conversion à partir d’un capteur couleur. L’avantage c’est l’obligation de voir en noir en banc, pas le choix en sortant avec ce boitier. Aussi de proposer d’emblée des jpeg direct de grande qualité. Bien entendu ce n’est pas obligatoire de posséder ce type de boitier pour faire du NetB. Il y a une part du plaisir d’avoir et cela s’adresse aux passionnés exigeants.
La principale différence entre un capteur photographique couleur à réseau Bayer et un capteur monochrome est la configuration des pixels. Un capteur couleur à réseau Bayer utilise une matrice de pixels avec des filtres de couleur (rouge, vert, bleu) pour capturer les différentes composantes de couleur dans une image. Chaque pixel ne mesure qu’une seule couleur, et les couleurs manquantes sont extrapolées à partir des pixels voisins lors du processus de dématriçage. Cela signifie que chaque pixel sur le capteur ne voit qu’une seule couleur à un instant donné. Un certain nombre de traitements analogiques sont effectués pour obtenir un « pixel » de sortie à partir d’un capteur couleur. La caméra doit joindre les informations de chaque sous-pixel impliqué dans la génération du pixel de sortie final. Par exemple, il y a deux sous-pixels verts par pixel de sortie. En effet nos yeux et les capteurs de caméra typiques sont plus sensibles au vert. Ainsi, les informations de luminance sont utilisées à travers un filtre vert. Si par exemple on veut faire des photos avec un filtre rouge, le capteur couleur Bayer a seulement 1/4 de capteurs de pixels rouges qui sont espacés, la différence de qualité d’image sera visible.
En revanche, un capteur monochrome ne dispose pas de filtres de couleur sur chaque pixel. Il est spécialement conçu pour capturer les niveaux de luminosité et d’intensité de chaque pixel. Cela signifie qu’il n’y a pas de dématriçage nécessaire et que chaque pixel du capteur monochrome enregistre uniquement la quantité de lumière qui le frappe.
Les avantages des capteurs monochromes résident principalement dans le fait qu’ils peuvent capturer plus de détails en particulier pour les détails fins, d’avoir une meilleure résolution et une meilleure dynamique que les capteurs couleur équivalents. Étant donné qu’ils n’ont pas de filtres de couleur pour bloquer une partie de la lumière, ils captent plus de photons, ce qui améliore la sensibilité à la lumière et la montée en iso. Cela signifie que les capteurs monochromes sont généralement plus performants en basse lumière. En termes de différence visible, les capteurs monochromes peuvent produire des images qui ont plus de contraste, de netteté et de détails dans les zones sombres et claires. En raison de l’absence de dématriçage, les images produites par les capteurs monochromes sont généralement plus nettes avec un rendu plus fin et présentent moins de bruit que celles des capteurs couleur, en particulier à des sensibilités élevées. Les capteurs monochromes offrent des avantages en termes de détails, de contraste, de résolution et de gestion du bruit, les rendant spécialement adaptés à la photographie en noir et blanc. En utilisant une caméra monochrome c’est une expérience différente que l’utilisation d’un appareil photo couleur. L’expérience de l’utilisateur est la clé d’une caméra monochrome. Les différences de qualité d’image sont réelles, mais pas écrasantes. On ne choisit pas un appareil photo monochrome simplement parce qu’il est spectaculairement meilleur au niveau de la qualité d’image car ce n’est pas le cas. L’appel est essentiellement celui de l’expérience utilisateur et pas uniquement le résultat final.
Pentax a sorti un modèle monochrome le K3 version III Monochrome. Un site spécialisé dans le numérique a écrit « Le reflex noir et blanc de Pentax devrait arriver dans les rayons dans le courant du mois d’avril 2023. Le tarif devrait en revanche en rebuter plus d’un, puisqu’il s’affiche à 2499 €. Pentax précise que la production sera réduite et encourage à passer commande rapidement, mais quand on sait que le K-3 Mark III, sorti il y a bientôt trois ans, était vendu 1999 €, il est difficile de s’imaginer des néophytes débourser autant pour un reflex APS-C. » hé bien il y a rupture de stock. Comme quoi à l’image de Leica s’intéresser à des marchés de niche en proposant des petites productions, en s’appuyant sur une singularité, cela peut permettre à une marque de durer.
Au niveau photographique c’est une belle nouvelle qu’il y ait des gens qui s’intéressent au Noir et Blanc et qui assurent une continuité dans l’Histoire de la Photographie. Le Pentax est environ quatre fois moins cher que le Leica M11 monochrom. Les objectifs avec la monture K comporte aussi des optiques de qualité. Chaque lentille K datant de la fin des années 70, s’adaptera et fonctionnera avec le Monochrome avec le bénéfice d’une stabilisation sur le capteur ainsi qu’une fabrication robuste du boitier et tropicalisée. Cette compatibilité avec les lentilles anciennes élargit les possibilités du système Pentax. Les boitiers Pentax sont équipées d’une stabilisation d’image intégrée (appelée Shake Reduction, ou SR). Là encore, toute lentille K-mount fabriquée bénéficiera de la stabilisation SR, et le K-3 III (à la fois classique et Monochrome) permet d’utiliser particulièrement facilement ces lentilles anciennes en évitant les flous de bougé et en permettant des vitesse de déclenchement basses. Ce que l’on aurait pu attendre c’est un écran orientable outre le fait qu’il s’agit d’un reflex au format APS-C. Le prix reste toutefois relativement contenu étant donné qu’il s’agit d’une petite série au niveau de la production conduisant à un coût de fabrication marginal plus élevé qu’une production plus abondante.
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