On peut tout à fait rester dans une pratique photographique dilettante (pour le plaisir) ou utilitaire comme par exemple envoyer des photos de ses enfants à la grand-mère, sans interrogation particulière. C’est là que vient le besoin de s’interroger sur le pourquoi on photographie. Cela peut être uniquement pour soi-même, pour le plaisir, sans idée de rémunération, sans envie de partager, sans que ce soit une activité qui comble un besoin de reconnaissance. Il y a de multiples aspects, cela peut être aussi thérapeutique, se vider la tête, s’exprimer, être un alibi pour sortir, moins se sentir seul, avec au niveau de l’usage voir plus tard ce que l’on fera comme trouver ensuite, dans les réalisations éparses un fil conducteur pour réaliser son propre livre photo etc.
Ce qui compte, si on souhaite évoluer, s’améliorer, c’est vraiment de s’intéresser au pourquoi je photographie, à l’intention, dans quel but, est-ce que j’ai des objectifs particuliers, on pourrait dire des ambitions. Que cela devienne son moyen d’expression ou alors être dans une pratique parce que ça se fait, c’est sympa et ça me fait plaisir sans arrières pensées.
Toutefois la pratique peut dériver parfois, dans une manière de partager ce que l’on fait comme activités pour se valoriser, avec quelque part une mise en avant de sa vie personnelle pour qu’elle soit perçue comme une réussite avec un côté m’as-tu-vu (avoir une haute opinion de soi et aimer le montrer et se montrer), « regarde comme je suis bon et j’ai le dernier matériel sorti ».
Aussi, il peut arriver que des pratiquants de la photographie se pensent meilleurs qu’ils ne sont. Cela peut nous arriver à tous, quand on en est en phase d’apprentissage et que l’on est arrivé à un stade où on ne sent plus de désir de progresser en s’autoévaluant comme arrivé au bout du chemin avec son égo flatté.
C’est une difficulté quand on voudrait, en toute bienveillance, apporter des critiques constructives sur le travail photographique d’une personne qui n’est pas forcément prête à l’entendre. Il est facile que des mots soient mal reçus et conduisent à une vexation.
Par exemple quand on parle de cohérence, de personnalité, de photos trophées, de recherches, d’authenticité, de se différencier, de réfléchir et de travailler le sens en s’appuyant sur une démarche personnelle, dans un domaine, la photographie, où il est aisé de ne pas se rendre compte de son niveau par rapport aux photographes artistes reconnus. Comprendre que la réalisation d’un travail réellement personnel demande beaucoup d’engagement, de recherches, d’expérimentations, qu’il s’agit d’une écriture et qu’il y a besoin de passer du temps.
On peut être complétement hermétique à ce type de discours, en étant content de soi, sans vouloir s’améliorer et aller plus loin et prendre alors très mal des discussions quelques peu critiques, en se disant mais pour qui il se prend celui-la qui me dit que j’ai des marges de progression et que mes photos sont du déjà vu des milliers de fois. Cela peut être un désintérêt total de la culture photographique, car on pense être arrivé à un degré suffisant pour soi, s’en satisfaire, s’en vanter même en fanfaronnant. C’est là que peut intervenir la gêne relationnelle par un manque d’humilité marquant un excès de confiance en soi.
Ce biais cognitif possible est connu sous le terme d’effet Dunning-Kruger qui se caractérise par une surévaluation des compétences et des connaissances d’une personne, souvent accompagnée d’un manque de conscience de son propre manque de compétence. Les gens sujets à l’effet Dunning-Kruger ont tendance à surestimer leurs capacités et à sous-estimer celles des autres. Cette théorie a été développée en 1999 dans le « Journal of Personality and Social Psychology » par deux professeurs de psychologie Dunning et Kruger, de l’université de Cornell aux Etats-Unis d’Amérique. Ces psychologues se sont intéressés à l’incapacité à reconnaître objectivement son incompétence, suite à un fait divers survenu en 1995, le braquage de deux banques par Mc Arthur Wheeler, en plein jour avec son visage recouvert de jus de citron… Le voleur pensait qu’à l’image de l’encre sympathique, le citron le rendrait invisible des caméras de surveillance. Pour comprendre pourquoi des personnes incompétentes peuvent être persuadées que leurs mauvaises décisions sont les bonnes, Dunning et Kruger ont mené plusieurs études. Leurs expériences ont montré que les personnes les moins compétentes, en général, surestimaient leurs capacités, tandis que les personnes les plus qualifiées avaient une tendance à se sous-estimer. Fréquemment quand on débute dans la photographie on se croit meilleur que ce que est car on s’enthousiasme sur la qualité perçue. Avec plus d’expérience on se croit moins bons que ce l’on est.
Aussi trouver un équilibre entre la surconfiance et un manque de confiance en soi peut être un défi. Il existe quelques approches pour y parvenir :
- Identifier ses forces et faiblesses : Prendre le temps d’évaluer objectivement ses compétences et ses lacunes. Cela aidera à avoir une vision plus réaliste de soi-même et à éviter les excès de confiance ou le manque de confiance.
- Prendre conscience de ses limites : Reconnaître ses propres limites pour éviter la surconfiance et accepter le fait que personne ne sait tout et qu’il est normal de faire des erreurs.
- Cultiver l’apprentissage continu : avoir un état d’esprit axé sur l’apprentissage pour développer ses compétences et la confiance en soi de manière constante. Reconnaitre qu’il y a toujours de nouvelles choses à apprendre et adopter une attitude curieuse envers le monde qui nous entoure.
- Chercher des retours constructifs, sans prendre mal les critiques : ces retours aideront à identifier ses points forts et les zones de développement, tout en mettant en perspective sa propre perception des marges de progression.
- Éviter les comparaisons constante avec les autres : la surconfiance peut parfois être alimentée par une constante comparaison aux autres. Se rappeler que chacun a ses propres parcours et qu’il est inutile de chercher sans cesse à se comparer à autrui qui est différent, sur un autre chemin.
En cultivant une conscience de soi réaliste, un désir continu d’apprendre et un état d’esprit ouvert, nous pouvons rester en mesure de trouver un équilibre entre la surconfiance et le manque de confiance en soi. Un piège est de toujours dévaloriser son travail photographique qui peut conduire à abandonner. Au contraire prendre conscience qu’il y a des marges de progression, en acceptant des critiques constructives, devient une motivation pour aller plus loin dans son travail photographique ; même s’il y a des périodes de découragements qui sont un corollaire à la pratique d’une activité artistique quand on ne recherche pas uniquement une réalisation purement techniquement maîtrisée.
Le syndrome de l’imposteur
A l’inverse le syndrome de l’imposteur est un phénomène psychologique dans lequel une personne doute constamment de ses compétences, a l’impression d’être un imposteur et a peur d’être exposée comme fraudeur ou incompétente. Il se caractérise par des sentiments d’insécurité, de doute de soi et une tendance à minimiser les réussites personnelles.
Les aspects psychologiques du syndrome de l’imposteur peuvent inclure :
- L’autodépréciation : Les personnes atteintes du syndrome de l’imposteur ont tendance à sous-estimer leurs capacités et réussites, attribuant leur réussite à la chance plutôt qu’à leurs propres compétences.
- La peur d’être découvert : Les individus se sentent souvent anxieux et craignent d’être exposés comme des imposteurs ou des fraudes, même lorsqu’ils ont des preuves tangibles de leurs compétences.
- La surexigence : Le perfectionnisme est souvent associé au syndrome de l’imposteur. Les personnes atteintes ont tendance à se fixer des objectifs irréalistes et à craindre de ne pas être à la hauteur de ces attentes.
- La comparaison constante avec les autres : Les personnes atteintes du syndrome de l’imposteur ont tendance à se comparer constamment aux autres et à se sentir inférieures dans leurs accomplissements, ce qui renforce leurs sentiments d’imposture.
- L’évitement des défis : Par crainte de l’échec et d’être découvert, les individus atteints du syndrome de l’imposteur peuvent éviter de prendre des risques et de relever des défis qui pourraient mettre en lumière leur prétendue incompétence.
- Le sentiment de ne jamais être satisfait : Même lorsqu’ils obtiennent des résultats positifs, les individus atteints du syndrome de l’imposteur ont souvent du mal à se sentir satisfaits de leurs accomplissements, car ils croient toujours qu’ils n’ont pas mérité leur succès.
Le syndrome de l’imposteur n’est pas reconnu comme un trouble mental dans les classifications psychiatriques officielles telles que le DSM-5. Cependant, il s’agit d’un phénomène courant et peut avoir un impact significatif sur le bien-être émotionnel et professionnel d’une personne. C’est assez courant chez les photographes sensibles qui ont a intégré ces sensations et travailler par la pratique à améliorer la confiance en soi et sa légitimité. La photographie a une utilité sociale, notamment en documentant le quotidien pour laisser les traces du passé pour le futur.
Utilité sociale
La photographie a une utilité sociale de nombreuses façons :
- Dans la prise de conscience sociale : La photographie permet de mettre en lumière des problèmes sociaux tels que la pauvreté, l’injustice, la discrimination et d’autres questions sociétales. En exposant ces problèmes, la photographie peut sensibiliser les gens et susciter un débat constructif sur ces questions.
- dans le documenter l’histoire et les événements sociaux : La photographie est un outil puissant pour documenter l’histoire et les événements sociaux importants. Elle permet de capturer des moments clés de l’histoire, tels que les mouvements de protestation, les conflits ou les changements sociaux majeurs, qui peuvent ensuite être préservés et transmis aux générations futures.
- En donnant un accès à l’information : La photographie permet de partager des informations de manière visuelle et immédiate. Grâce à internet et aux médias sociaux, les photographies peuvent être partagées rapidement et facilement, ce qui permet de sensibiliser un large public à des problèmes sociaux qui auraient autrement été moins bien connus.
- En pouvant faire évoluer les mentalités : La photographie peut jouer un rôle important dans le changement de perception et d’attitude envers certaines questions sociales. En montrant des images puissantes et émouvantes, elle peut aider à briser les stéréotypes, à promouvoir l’empathie et à encourager l’acceptation des différences.
- Même dans des changement politique : Les photographies peuvent être utilisées pour promouvoir des changements politiques et sociaux en attirant l’attention sur des problèmes urgents. Elles peuvent inspirer l’action sociale, mobiliser les gens et créer un mouvement en faveur du changement.
La photographie a une utilité sociale en sensibilisant les gens aux problèmes sociaux, en documentant l’histoire et les événements familiaux et sociaux, en facilitant l’accès à l’information, en faisant évoluer les mentalités et en pouvant même promouvoir des évolutions politiques et sociales.