Le perfectionnisme

Il peut y avoir des périodes de difficultés à faire. Des moments où les choses sont moins fluides, moins naturelles. On peut se sentir pas très bon, même si on sait que c’est très relié à cette difficulté de faire, de se sentir pas assez créatif, de ne pas produire assez qu’il faudrait, surtout quand cela a une incidence financière. C’est une pression à soi-même qui peut être liée au côté professionnel. Si je ne fais pas, je ne gagne pas d’argent L’impression que ce que l’on fait n’est pas assez bien. En fait il s’agit d’un souci de perfectionnisme qui peut conduire à une situation auto-bloquante. En devenant de plus en plus perfectionniste le fait de créer devient de plus en plus difficile. L’objectif c’est quand même de faire sans angoisses. Le faire dans le domaine artistique est censé être un espace de bien-être, de faire avec plaisir. Que ce soit un espace de liberté et de légèreté.

On peut avoir beaucoup d’idées ou pas d’idées, se disperser ou se décourager. Cela fait partie des états, et des états d’âme d’être sensible et d’être qualifié d’artiste. Il y a des moments de déprime, de démotivation, d’angoisse, de doute, de voir tous les défauts dans ce que l’on fait. Il faut faire attention que cela ne mème pas à un blocage complet et un abandon. Le perfectionnisme peut devenir paralysant. Savoir cela peut aider à dépasser ce stade quand il arrive car c’est dans la nature des choses. Des moments de pas bien, de déprime, cela peut être positivé en une période d’introspection, de réflexion. Une pause avant de repartir dans le faire. C’est plutôt un signe d’intelligence de se poser des questions et de prendre du recul. Réfléchir au sens qu’ont ses créations et ce que l’on souhaite faire. Pas d’affolement, ni désespérance, si cela arrive, c’est naturel quand on est un être sensible. Ce sont des périodes pas agréables et un peu compliquées où l’on peut même être désagréable avec l’entourage, avec un besoin de s’isoler. C’est bien connu que l’art est difficile et les critiques faciles. Alors il est aisé d’être très critique aussi envers soi-même. Il n’y a pas de solution miracle à proposer. Simplement savoir que ça arrive et à relier avec le perfectionnisme et peut-être une trop grande exigence par le fait de se comparer d’autres.

C’est un apprentissage à cohabiter avec les histoires non racontées, les créations jamais réalisées. Elles sont là, en soi, dans la tête ou quelque part. Elle sont restées au stade de l’envie, elles sont belles dans ta tête ou resterons de vagues notes dans un carnet. La photographie est une éternelle frustration. On s’en veut d’avoir loupé une image pour quelques secondes, parce que le boitier ou soi-même n’ont pas été assez réactifs. Parce que l’on a raté la mise au point et obtenu du flou. Il faut être heureux de se sentier différent, d’avoir toute cette créativité qui reste dans l’esprit, d’avoir une vision particulière dans son quotidien, même si ce n’est pas tout le temps car c’est épuisant. Ce sont des ballons de création et il n’est pas possible de les attraper tous. Ils font voir le quotidien de manière plus complète et plus chaleureuse. La nature se repose en hiver et toutes les graines ne germent pas. On est dans une société de compétition et de performance et pas dans un système basé sur la coopération et la symbiose. On peut ne pas très bien s’adapter à un monde de marchands. On peut avoir besoin d’un rythme lent, il y a des escargots et des antilopes.

« La tendance à se fixer des objectifs très élevés et à chercher sans relâche à les atteindre n’est pas une maladie. Des problèmes peuvent survenir lorsque la valeur que nous nous attribuons se base principalement sur notre capacité à atteindre des objectifs considérés comme déraisonnables par la plupart des gens, et lorsque nous nous acharnons malgré tout à les atteindre malgré la détresse occasionnée ». C’est quand cette hantise devient systématique avec un profond mal-être, qu’il faudrait certainement en parler à un professionnel de santé pour se faire aider.

On pourrait dire que le perfectionnisme est un trait de personnalité qui se caractérise par une forte exigence envers soi-même, visant à atteindre une excellence absolue dans tous les domaines de sa vie. Il peut provenir d’un désir de réussir, de l’effet de la pression sociale ou simplement d’une condition psychologique.

Pour trouver le bon équilibre entre le perfectionnisme et l’exigence de qualité, il est important de reconnaître que la perfection absolue n’existe pas. Il est donc nécessaire de se fixer des objectifs réalisables et mesurables, plutôt que de chercher à tout prix la perfection. Il est également important de reconnaître ses limites, en acceptant que nous avons tous des faiblesses et faisons des erreurs.

Pour éviter de tomber dans le découragement en n’étant jamais satisfait, il est essentiel de célébrer ses réussites et de se féliciter de ses accomplissements, même s’ils ne correspondent pas tout à fait à l’idéal de perfection que l’on s’est fixé. Il est également important de prendre du recul en se demandant si notre quête de perfection ne nous empêche pas de profiter pleinement de la vie ou de nos relations.

La satisfaction peut être atteinte en apprenant à se pardonner soi-même et en se concentrant sur les progrès plutôt que sur les erreurs. Cela nécessite également de se fixer des objectifs réalistes et de savoir accepter qu’il y aura toujours des imperfections. Enfin, il peut être utile de se rappeler que la recherche de la perfection peut être une source de stress et de tension, alors que la recherche de l’excellence peut être bénéfique pour notre développement personnel et professionnel.

Le perfectionnisme en tant que photographe correspond à une quête de la perfection dans la réalisation des photos, dans le choix du matériel, des cadrages, de la lumière, etc. Cette recherche de la perfection peut conduire à une insatisfaction constante et à la recherche perpétuelle d’amélioration. Le perfectionnisme peut pousser certains photographes à acheter sans cesse du nouveau matériel, en pensant que cela améliorera leurs photos, même s’ils ne sont pas satisfaits de leur travail. Cette attitude peut s’apparenter à une forme d’achat compulsif, qui peut être néfaste pour le portefeuille et ne garantit pas une amélioration de la qualité des photos.

Le fait d’acheter de manière compulsive du matériel en pensant que cela va compenser ses manques s’appelle le GAS (Gear Acquisition Syndrome) ou le syndrome de l’achat compulsif de matériel photographique. Cette tendance peut devenir une véritable obsession pour certains photographes.

Pour se satisfaire de son travail, il est important de se rappeler que la photographie est un art subjectif et qu’il est impossible de plaire à tout le monde. Il est donc important de se fixer des objectifs réalisables, de se concentrer sur sa propre vision et de s’efforcer de respecter ses propres critères de réussite, plutôt que de chercher à tout prix à atteindre une perfection illusoire. Il faut apprendre à accepter ses erreurs et à regarder son travail avec un regard critique mais constructif, sans oublier de se faire plaisir avant tout en pratiquant sa passion.

Entretenir le plaisir

Dans deux études sur le terrain et trois études en laboratoire, il a été constaté que, des différences entre réaliser des photos pour soi-même (par exemple, pour préserver ses souvenirs), faire des photos avec l’intention de les partager avec d’autres (par exemple, pour les publier sur les réseaux sociaux), le plaisir des expériences n’est pas identique. Cet effet se produit parce que faire des photos avec l’intention de les partager augmente le souci de présentation de soi pendant l’expérience, ce qui peut réduire le plaisir directement, ainsi qu’indirectement en réduisant l’engagement dans l’expérience. On pense d’abord à la finalité avec un côté narcissique. Ainsi il y a le souci de la façon dont les autres recevront les photos avec un lien avec la proximité du public visé. C’est se mettre une pression externe. Cela peut conduire a une forme d’ennui en pratiquant la photographie. L’expertise que l’on a dans un domaine peut miner le plaisir de réalisation par un « engourdissement émotionnel » conséquence de la compréhension du comment des photos spécifiques peuvent engendrer des émotions. Il peut être utile de ne pas mobiliser continuellement ses connaissances mais de se laisser aller à de la spontanéité. L’expertise étant seulement un guide mais pas une façon d’appliquer continuellement des règles, donc quelque part désintellectualiser l’acte photographique pour conserver le plaisir.

Il peut arriver que même dans une pratique personnelle sans enjeu majeur, on recherche un résultat de niveau professionnel commercial. On se comporte comme si on avait reçu une commande, alors qu’il s’agit à la base de pratiquer sa passion, sans anxiété. Cela peut arriver par exemple lorsque l’on fait des photos lors d’une sortie familiale, où personne ne vous a demandé de faire des photos mais où l’on se met quand même une pression alimentée par la peur du jugement avec l’idée de rester à la hauteur de sa réputation de « bon photographe ». On projette une obligation de résultat alors qu’elle n’est pas attendue et elle vient parasiter le plaisir.

image_pdf©Patrick Pestre - pour usage personnel -